Je m'amusais, à Nancy, à faire des statistiques sur le championnat de France de football, en attribuant 20 points au premier, 19 au deuxième, et ainsi de suite. Il s'agissait sans doute de savoir qui, d'Angers ou de Sedan, arrivait en 23ème position d'un classement établi à partir de la saison 1932-1933.
Je commettais d'innombrables autres futilités . Néanmoins, je ne suis pas bipolaire.
Alors, un matin lorrain de février 2009, j'ai décidé d'écrire un roman, comme cent mille Français chaque année. Puisqu'entre deux statistiques je m'irrite contre n'importe quoi, j'ai décidé d'écrire Elephant 3, la suite de ceux d'Alan Clarke et de Gus Van Sant. Ou Elephant 4, si Baise-moi est un éléphant; va savoir. Un personnage tuerait et tuerait et tuerait du début à la fin. Cela calmerait mes nerfs, et remplirait certainement mes tiroirs.
Finalement, j'ai constaté la conjonction de plusieurs phénomènes dans le ciel de ces années 2009-2011: Tarnac en Sarkozy, ascendant crise économique.
(Haut-du-Lièvre, Nancy; la plus longue barre d'Europe de l'ouest;
l'intello de Je suis un terroriste habite dans cette zone.)
D'où la question immédiatement: si des énervés d'ultra-gauche passaient réellement à l'action, comment agiraient-ils? d'où viendraient-ils? y aurait-il la moindre chance qu'ils soient aussi politisés et intellectuels que les mecs d'Action Directe et des Brigades Rouges (désormais vieux ou morts)? seraient-ils seulement des paumés, des ratés? Et pourquoi agiraient-ils? Avec quelles conséquences? --- D'où aussi la fiction comme champ des possibles.
Le reste est de la cuisine. Le feuilletage compulsif de catalogues de flingues, l'infiltration de forums de chasseurs, le site Internet du syndicat Alliance. Les cours de la Bourse, et les fêtes dans des squats en soutien aux inculpés de Tarnac. Les réécritures de virgules et de points-virgules. La rencontre d'un éditeur de JM Rouillan, et l'écoute compulsive des 5.6.7.8's ou de David Vincent.
Il ne me restait plus qu'à habiter Paris, puisqu'il faut habiter Paris pour publier un roman.
Sans blague.